Avant-propos

Performance économique, recherche de rentabilité, suivi des coûts… sont autant de challenges au cœur des réflexions pour piloter une ferme. Pourtant, les comptabilités agricoles ou bilans financiers sont souvent peu compris par les agriculteur∙rice∙s eux-mêmes. Et si on se réappropriait ces savoirs?

C’est l’objectif de cet ensemble de fiches : démystifier les notions économiques et comptables, pour que chacun∙e puisse s’approprier les chiffres de sa ferme et comprendre leurs implications, et les liens avec leur revenu agricole.

Cette fiche vise à développer le suivi de la trésorerie au sein de la ferme et de faire le lien avec la rémunération.

Avant d’aller plus loin dans cette fiche, avez-vous lu la fiche introductive?

Ce contenu se base sur le travail réalisé par les CIVAM, Centres d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural. Un de leurs objectifs est de soutenir une agriculture autonome et économe en renforçant l’autonomie des personnes.
Leur approche économique est résumée dans une vidéo disponible en cliquant ici.

L'approche trésorerie

La trésorerie est la capacité d’une entreprise à disposer de suffisamment d’argent disponible pour pouvoir honorer les échéances présentes et à venir. La trésorerie intègre les soldes bancaires, les factures non réglées émises par les fournisseurs, et les créances en cours auprès des clients. Ces liquidités forment une réserve qui permet à la ferme de faire face à ses obligations (payer les fournisseurs, prêts et autres obligations) et constituent également une marge de sécurité.

Le suivi de la trésorerie se fait au jour le jour (ou du moins, aussi souvent que possible) et indique les liquidités directement disponibles.

Le suivi de la trésorerie, c'est la logique de ce qui rentre et de ce qui sort, avec la préoccupation qu'il reste toujours un solde suffisant pour faire face aux flux futurs.

La trésorerie diffère de l’approche économique dans le sens où le compte de résultat englobe certains produits et charges qui ne correspondent pas à un décaissement réel (comme les amortissements). La trésorerie n’inclut que des encaissements et décaissements réels.

Pourquoi suivre sa trésorerie?

C'est un aspect souvent sous-estimé ou non géré par beaucoup d'entrepreneur∙se∙s, y compris les agriculteur∙rice∙s. Par ailleurs, c'est une cause majeure de faillite pour les entreprises toute activité confondue, y compris pour des entreprises rentables qui se retrouvent en défaut de paiement.

Le niveau de la trésorerie est sensible de deux manières :

• Une importante trésorerie non mobilisée représente des ressources présentes dans l'entreprise qui ne sont pas utilisées et donc non productives.
• Une trésorerie négative traduit une situation de défaut de paiement. L’anticipation d’une période de plusieurs semaines ou mois en négatif permet de prendre des mesures en amont, le plus tôt possible, afin d’éviter des découverts importants et de devoir faire face à des intérêts auprès de fournisseurs qui peuvent être élevés.

Comment établir sa trésorerie?

Le principe est de reprendre mois par mois les entrées et les sorties réelles d’argent. Certaines charges, comme les amortissements, ne représentent pas un flux réel d’argent et ne sont pas reprises dans la trésorerie.

On obtient des soldes mensuels, avec certains mois où il y a des sorties nettes, et d'autres des entrées nettes d’argent sur la ferme. L’attention se porte sur le solde cumulé, qui traduit la trésorerie dont la ferme dispose.

Des outils comme TresoFerme permettent de suivre cette trésorerie et le solde cumulé (voir ci-dessous)

Quels éléments peuvent attirer notre attention?

• Les impôts, la TVA et les charges sociales sont des postes qui arrivent a posteriori, parfois importants et qui peuvent varier fortement, et donc constituer des surprises. Une anticipation est nécessaire pour prévoir les liquidités suffisantes au moment de l’année où ces décomptes sont réalisés. On peut avoir une trésorerie positive puis se retrouver avec des obligations de paiement non prévues, modifiant fortement la trésorerie. Ce sont souvent des éléments qui sortent des radars dans la gestion quotidienne.
• Sur base de la trésorerie des années précédentes, l’agriculteur∙rice peut faire des projections sur les entrées et sorties de liquidités d’une période future.
• Ce travail de projection peut être fait plus ou moins régulièrement, selon le cycle de l'activité. Il peut être révisé régulièrement pour voir si la prévision est conforme ou s'il y a lieu de la réadapter. L'objectif c'est de prévoir, d'anticiper ce dont on a besoin pour fonctionner sur 3 à 6 mois etc. et de ne pas se retrouver en situation de défaut de paiement.
• Les stocks sont vus comme de la trésorerie immobilisée.
• Par exemple, pour une fromagerie, quand l’agriculteur·rice remplit sa cave de fromages pour les affiner, plusieurs milliers d'euros peuvent se retrouver immobilisés. Cet argent sera disponible lors de la vente des fromages, alors que la réserve sera alimentée à nouveau par la production souvent continue. Ce budget reste donc immobilisé et n'est pas traduit en trésorerie, d'où l'importance d'intégrer la notion de stock dans l’analyse des résultats de trésorerie.
• Les versements de primes sont typiques du milieu agricole. Il y a souvent une grosse difficulté pour prévoir le moment des versements, ce qui complique les projections de trésorerie. Le suivi de la trésorerie permet d’intégrer cette incertitude dans le pilotage de la ferme.

Les amortissements et impacts sur la trésorerie

L’amortissement étant un calcul fictif , il n’est pas intégré en tant que tel dans le suivi de trésorerie, puisque la trésorerie ne reprend que des mouvements réels d’argent.

L’amortissement fait généralement référence à un investissement (dans notre exemple, un achat de 10 000€). La manière dont cet investissement est payé va par contre influencer la trésorerie :

• L’investissement est payé dans sa totalité au moment de l’achat : la trésorerie est diminuée de 10 000€
• L’investissement est payé via un prêt : la trésorerie est diminuée chaque mois/année du montant remboursé.

TresoFerme : l’outil de gestion simplifié conçu par et pour les agriculteur·rice·s

L’outil TresoFerme a été élaboré sur base du constat que, encore aujourd’hui en Wallonie, beaucoup d’agriculteurs et agricultrices ont peu de visibilité sur leur situation et de leur suivi de liquidités.

L’objectif de TresoFerme est d’offrir aux agriculteurs et agricultrices un outil en ligne facile d’utilisation et gratuit afin de suivre et gérer leur trésorerie. Un autre avantage majeur est le suivi en direct de la situation, contrairement au compte de résultat et au bilan financier qui est disponible plus d’un an après la fin de l’exercice.

Fonctionnalités de Tresoferme

Les modules repris dans Tresoferme sont :

• l’encodage des entrées et sorties de la ferme
• le suivi des clients et fournisseurs et des paiements qui leur sont attribués
• la génération de factures de vente

Après l’encodage de ces données, l’outil propose une approche visuelle de l’ensemble de la trésorerie ainsi qu’une analyse des achats et des recettes.

Pour faciliter sa prise en main, un ensemble de matériel pédagogique est disponible via :

• de courtes vidéos explicatives
• un lexique reprenant les différents termes économiques
• une Foire Aux Questions qui répond aux principales interrogations, notamment en terme de sécurisation des données est disponible en cliquant ici.

Ce que TresoFerme ne permet pas :

• obtenir un compte de résultat ou un bilan financier
• calculer le prix de revient d’un produit
• gérer les stocks
• établir les déclarations TVA ou d’impôts
• importer des données bancaires
• exporter les données vers d’autres logiciels de comptabilité

Cependant, les données sont téléchargeables sous forme de tableau Excel. L’agriculteur∙rice peut alors s’approprier les données selon ses objectifs et souhaits.

S’approprier TresoFerme

L’outil est disponible en ligne via l’adresse suivante : https://tresoferme.be/

La première étape consiste à créer un compte donnant accès à une plateforme personnalisée pour sa ferme.

Vidéo explicative :

Ce compte est la base pour ensuite enregistrer l’ensemble de ses données comme les clients et fournisseurs et créer des factures qui leur sont associées.

• Le design des factures peut être entièrement créé et modifié
• Il est également possible d’enregistrer les données des produits. De ce fait, l’outil permet de trier les données par catégorie de produits, et donc d’avoir une vue de la trésorerie par produit.

Plus concrètement, l’outil propose deux tableaux de bord (Figure 2) :

• Le premier montre la liquidité d’activité et potentielle, c’est-à-dire qu’il donne une vue d’ensemble sur la liquidité réelle (clients, fournisseurs, emprunts bancaires) et sur la liquidité potentielle (prévision de la liquidité réelle dans le cas où toutes les factures sont réglées)
• Le second tableau de bord donne un aperçu de l’état des emprunts avec le montant total des emprunts, le capital et les intérêts ainsi que le montant payé à ce stade.

Le logiciel s’adapte à la vente directe et le tableau de bord est actualisé au fur et à mesure des encodages.

L’analyse de ses données

En ce qui concerne l’analyse de la trésorerie, Tresoferme permet d’avoir une vision des entrées et sorties réelles d’argent pour chaque mois. Cette vision permet d’identifier les pics et les saisons où la trésorerie est en difficulté et de pouvoir les anticiper.

TresoFerme permet également de comparer les résultats à une année de référence. Cette année de référence est une année de prévision qu’il est possible de modifier ou d’ajuster en fonction des anticipations que l’on compte réaliser. Le but étant de se situer face à nos prévisions et à la réalité de la comptabilité de l’exploitation.

• Le suivi par client est intéressant et permet d’observer si un client diminue ses volumes, ou à l'inverse s’apercevoir qu'un client devient majoritaire en prenant une proportion trop importante des ventes.
• L'évolution des charges, sur une ou plusieurs années, classées par nature. Ces charges peuvent être réparties sur plusieurs activités.

Témoignage : comment Marc-André utilise TresoFerme au quotidien dans la gestion de sa ferme laitière?

Pour Marc-André, réaliser le suivi de ses données lui-même permet une appropriation des chiffres de la ferme. Cela lui tenait à cœur de trouver un outil capable d’encoder et d’obtenir une vue d’ensemble sur la trésorerie et le bilan financier global de la ferme. Il a d’abord commencé par utiliser des tableaux Excel mais ce système a vite montré ses limites. Il est alors passé sur TresoFerme il y a plusieurs années.

• TresoFerme permet d’encoder ses entrées/sorties et de générer des factures. C’est un logiciel facile d’utilisation qui permet de garder une trace des documents ou des données via un encodage régulier. Pour lui, il est important de gérer l’encodage régulièrement sinon, le travail devient fastidieux et moins précis par les oublis ou autre.
• Il considère TresoFerme comme un outil indispensable à l’heure actuelle. Il aime l’approche de la trésorerie de la ferme en comparaison à une comptabilité de gestion qui prend en considération les amortissements du matériel ou de l’inventaire des bêtes et du stock. Selon lui, ces données peuvent être facilement biaisées par les fluctuations des prix sur le marché. TresoFerme tient également compte de la charge de crédit.
• L’encodage lui permet d’avoir une deuxième vision des factures qu’il reçoit et d’apercevoir parfois quelques détails non négligeables. De plus, les données permettent d’obtenir des indications clés sur les activités de la ferme, par exemple, le litrage de lait, la quantité de fourrages ou sur les achats des différents produits.
• TresoFerme lui permet d’avoir des moyennes sur plusieurs années,d’avoir une visibilité plus large de sa situation financière et de réaliser des prévisions. L’outil permet de se rassurer dans les années qui semblent plus floues. Mais aussi, il lui permet de mettre en avant les bénéfices réels, de changer de perspectives et de pouvoir évaluer à juste titre l’impact de ces changements.

Comme Marc-André l’explique dans la vidéo, la précision de l’encodage lui a permis de relativiser l’importance des frais vétérinaires. Le passage en bio a permis leur diminution, c’est vrai, mais leur importance est très relative à l’échelle de la ferme (1,5 % des coûts de production).

L’appropriation de ses chiffres lui procure une satisfaction de ses choix en termes d’investissement. De plus, cette connaissance lui a permis de réduire sa charge de travail, d’investir mieux, de prendre moins de risques et d’avoir une meilleure rentabilité de la ferme.

Pour conclure, il précise que l’outil TresoFerme semble difficile et fastidieux mais que ce n’est qu’une impression. Au fur et à mesure de son utilisation, ses avantages deviennent évidents et il n’est plus possible de s’en passer. L’appropriation des chiffres est, pour Marc-André, la clef pour développer et faire évoluer sa ferme en connaissance de cause.

Pour entendre son témoignage complet :