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Adrien Blauen s’est installé sur la ferme familiale en 1980 à Hondelange, dans la commune de Messancy. En 1994, la ferme est déplacée hors du village afin de pouvoir s’agrandir et développer ses activités. Aujourd’hui, il est en polyculture-élevage, un choix en partie dicté par la nature du sol, qui impose la présence de prairies dans certaines zones mais qui permet tout de même la culture de certaines terres.

La ferme est 100 % autonome pour la partie élevage, avec environ une centaine de bovins allaitants de race limousine, et elle tend vers cette même autonomie pour les cultures, avec une réduction du recours aux intrants.

Le passage en agriculture biologique débute en 2008 avec les prairies et trois hectares de culture pour expérimenter la production de céréales afin de compléter l’alimentation à l’herbe du troupeau de bovins. La conversion en bio des terres arables se poursuit progressivement jusqu’à concerner l’ensemble des parcelles en 2019. À l’époque, le choix n’allait pas de soi :

« Il faut se dire qu’en 2008, le bio n’était pas encore très vulgarisé. Il y avait beaucoup de scepticisme autour de ça. »

Adrien évoque aussi un déséquilibre économique dans le modèle conventionnel qui l’a poussé à changer :

« On remplissait le coffre de produits phyto et il fallait vendre 20 tonnes de blé pour payer ce qu’on avait mis dans un coffre. »

Depuis, il continue à faire évoluer son système. Il se montre attentif à la santé de ses sols et s’inspire des principes de l’agroécologie, avec une volonté claire : préserver la structure du sol et sa fertilité. Dans ce cadre, il modifie des outils classiques pour répondre à ses besoins, notamment réduire le travail du sol, implanter et gérer des couverts permanents.

Au-delà de ses propres convictions, Adrien prépare aussi l’avenir. Il souhaite transmettre une ferme en bon état à son fils, avec un outil de production qui garde du potentiel dans un contexte agricole en pleine évolution. Son objectif : aller, pas à pas, vers un système plus robuste et plus autonome.

Expérimenter la couverture permanente des sols en bio

Le témoignage d’Adrien a été recueilli en cours de saison culturale 2024, moment où le trèfle et le blé étaient bien implantés. Par la suite, deux orages successifs ont rendu la moisson impossible. La vidéo ci-dessous ne mentionne donc pas l’échec de l’expérimentation. Dès lors, les enseignements que l’agriculteur en a tirés sont présentés dans la présente fiche.

[VIDEO] : Expérimenter la couverture permanente des sols en bio

Choix du couvert

Dans les sols argileux de la région, la culture de luzerne n’est pas possible. Adrien se tourne alors vers le trèfle blanc pour couvrir les sols en sous-étage des céréales, afin de concurrencer les adventices, apporter de l’azote dans le système, soutenir la biodiversité et lutter contre l’érosion.

Implantation et gestion du couvert

Au printemps 2021, Adrien a semé un trèfle blanc dans la culture de blé à l’aide d’un semoir électrique à l’avant du tracteur équipé d’une herse étrille à l’arrière.

Cette technique est assez efficace mais dépend des conditions météorologiques : si le printemps est trop sec, le trèfle ne prendra pas, s’il est trop humide, la parcelle n’est pas accessible.

Lors de son implantation, ce trèfle n’était pas destiné à servir de couvert permanent dans une culture de blé. L’idée n’a germé qu’à la suite d’une visite de champs d’essais en France sous couvert permanent de luzerne.

En 2022, l’implantation d’une moutarde a échoué car le trèfle était trop vigoureux. Celui-ci est donc resté en place. Afin de gérer les chardons, le couvert de trèfle a été broyé à plusieurs reprises en été 2023.

Implantation de la culture

Adrien a dû trouver un moyen d’implanter le blé à l’automne 2023 tout en maintenant le trèfle en place. Après un premier broyage sur l’ensemble de la parcelle le 12 octobre, il est passé avec une fraise dont certaines lames avaient été retirées pour ne travailler que sur des largeurs de 12cm, espacées d’un interligne de 25cm. Il a conçu lui-même l’outil utilisé pour garder la terre dans la ligne travaillée.

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Figure 1 : Pièce ajoutée sur la fraise modifiée pour garder la terre sur les rangs travaillés

Dans ces bandes travaillées à 8cm de profondeur, l’agriculteur a semé densément (même dose à l’hectare que pour un semis en plein, environ 185 kg/ha) et 4cm [SD1] de profondeur 2 lignes de blé de la variété Graziaro, le 17 octobre 2023. La présence de racines de trèfles compliquait le semis, mais ce dernier ayant été suivi d’une pluie, le résultat était satisfaisant (Figure 1 et Figure 2).

Figure 2 : Trèfle 5 jours après le semis du blé
Figure 3 : Trèfle et blé 15 jours après le semis du blé

Une fois le blé implanté, il est important de calmer le trèfle pour ne pas qu’il recolonise l’espace. Adrien a donc conçu et commandé une machine présentant une succession de rouleaux à couteaux de 25cm, laissant un espace de 12cm pour le blé. Cet outil peut passer en entrée d’hiver puis au printemps, jusqu’à ce que la culture principale prenne le dessus.

Figure 4 : Rouleaux permettant de réguler le trèfle

Au printemps 2024, au moment du tournage du portrait, nous constatons un blé en bon état nutritif, avec un trèfle couvrant bien le sol dans les interlignes et une population d’adventices acceptable. A ce stade et comparé à d’autres blés implantés en bio, cette culture était prometteuse.

Figure 5 : Blé et trèfle au 30 mai 2024

Un échec… et ses enseignements

Malheureusement, quelques semaines avant la moisson, le trèfle est monté dans le blé, la région a subi de fortes pluies successives (16 et 30 juin 2024) et le blé a versé, tandis que la terre est restée inaccessible jusqu’à rendre la récolte impossible (Figure 6).

Figure 6 : Blé couché par les orages et trèfle prenant le dessus, en juillet 2024

Les facteurs qui ont amené à cette situation sont les suivants :

  • La variété Graziaro produit de longues pailles et est donc particulièrement sensible à la verse à Privilégier une variété peu sensible à la verse ;
  • Le trèfle blanc était d’une variété à potentiel de développement trop important, et accentuait fortement le risque de verse à Choisir impérativement une variété naine ;
  • L’année 2024 était anormalement pluvieuse, boostant le trèfle et couchant la céréale à Un meilleur choix des deux variétés contribuerait à réduire le risque.

Adrien ne s’est pourtant pas découragé et il a voulu retenter l’expérience en 2025. Il a donc fait table-rase du trèfle en place pour réimplanter une variété naine dans une céréale. Mais cette fois, les conditions printanières étaient trop sèches, vouant l’implantation à l’échec. La suite de l’expérimentation est donc reportée à 2026 !

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